Réglementation de la gestion des sédiments : où en est-on ?

Laboratoire pour essai ciment à base de sédiments
SEDICIM : fabrication en laboratoire d’un ciment CEM I à base de sédiments05/02/2021
pour des achats publics durables avec les sédiments
Pour des achats publics durables avec l’utilisation des sédiments en génie civil23/07/2021

Réglementation de la gestion des sédiments : où en est-on ?

sédiments criblés en vue de leur valorisation

Criblage de sédiments ®Airscanner

Loi sur l’Eau, Loi pour l’Economie Bleue, Réglementation Déchets, Sortie du Statut de Déchet… La gestion des sédiments de dragage et les possibilités de valorisation sont en évolution perpétuelle.

Décryptage par Cyril Scribot, consultant sédiments au CD2E

Réglementation des sédiments : Clapage ou gestion à terre ?

Dès le projet d’opération de dragage, il est possible de définir le devenir des sédiments : pour les sédiments marins, opération souvent privilégiée pour des raisons de coût, le rejet en mer « clapage » est possible. Cette opération est envisageable quand les seuils dits « N1 » sont respectés.

Au-delà de ces seuils, un second seuil « N2 » en dessous duquel des investigations complémentaires peuvent être nécessaires. Au-delà des seuils N2, des investigations additionnelles sont à mener. Si les opérations d’immersion de sédiments ne sont pas envisageables, les sédiments devront être gérés à terre suite au dragage.

Dans l’optique d’aider techniquement les gestionnaires, le groupe Geode propose une démarche exposée dans le guide « Rédaction des études d’impact d’opérations de dragage et d’immersion en milieu estuarien et marin ».

Conditions d’utilisation des seuils

Extrait de la circulaire du Circulaire n° 2000-62 du 14 juin 2000:

« Ces seuils constituent des points de repère permettant de mieux apprécier l’incidence que peut avoir l’opération projetée. Ainsi, au-dessous du niveau N1, l’impact potentiel est en principe jugé d’emblée neutre ou négligeable, les teneurs étant « normales » ou comparables au bruit de fond environnemental. Toutefois, dans certains cas exceptionnels, un approfondissement de certaines données peut s’avérer utile. Entre le niveau N1 et le niveau N2, une investigation complémentaire peut s’avérer nécessaire en fonction du projet considéré et du degré de dépassement du niveau N1. Ainsi une mesure, dépassant légèrement le niveau N1 sur seulement un ou quelques échantillons analysés, ne nécessite pas de complément sauf raison particulière (par exemple toxicité de l’élément considéré : Cd, Hg, ….). De façon générale, l’investigation complémentaire doit être proportionnée à l’importance de l’opération envisagée. Elle peut porter, pour les substances concernées, sur des mesures complémentaires et/ou des estimations de sensibilité du milieu. Toutefois, le coût et les délais en résultant doivent rester proportionnés au coût du projet et le maître d’ouvrage doit intégrer les délais de réalisation des analyses dans son propre calendrier. Au-delà du niveau N2, une investigation complémentaire est généralement nécessaire car des indices notables laissent présager un impact potentiel négatif de l’opération. Il faut alors mener une étude spécifique portant sur la sensibilité du milieu aux substances concernées, avec au moins un test d’écotoxicité globale du sédiment, une évaluation de l’impact prévisible sur le milieu et, le cas échéant, affiner le maillage des prélèvements sur la zone concernée (afin, par exemple, de délimiter le secteur plus particulièrement concerné). En fonction des résultats, le maître d’ouvrage pourra étudier des solutions alternatives pour réaliser le dragage, ou des phasages de réalisation (ex : réduire le dragage en période de reproduction ou d’alevinage de certaines espèces rares très sensibles). »

dragage de sédiments
Grand Port Maritime de Rouen ®Eric Houri

Loi Leroy : Des modifications à venir sur les seuils de rejet en mer des sédiments

A l’échelle nationale, 50 millions de m³ de sédiments sont dragués tous les ans, une grande partie s’avère ressortir de la réglementation des milieux marins et estuariens. On estime que 90% de ce volume de sédiments est immergé dans le cadre de la réglementation. Les 10% restants, une fois sortis des eaux, sont gérés à terre et dépendent de la réglementation déchet. Ils sont souvent envoyés en comblement de ballastières, régalage agricole ou déposés dans des installations de stockage de déchets, sauf opération de valorisation identifiée et possible. En 2025, de nouveaux seuils viendront s’appliquer (Loi Leroy), impliquant de nouveaux volumes de sédiments à gérer à terre.

« A partir du 1er janvier 2025, le rejet en mer des sédiments et résidus de dragage pollués est interdit. Une filière de traitement des sédiments et résidus et de récupération des macro-déchets associés est mise en place. Les seuils au-delà desquels les sédiments et résidus ne peuvent être immergés sont définis par voie réglementaire. » (Article 85 de la Loi pour l’Economie Bleue, dite « Loi Leroy » )

Ces seuils doivent encore être définis. Mais pour préparer au mieux la gestion de ces sédiments, la mise en place de filières de traitement et de valorisation de ces sédiments est nécessaire. Dans le cadre de la valorisation, des groupes de travail (sur les questions réglementaires) et des projets visant à la mise en place de filières de valorisation (sur le plan technique, par exemple dans le cadre de la démarche Sédimatériaux, explorent ces questions.

Pour les eaux continentales, le Seuil S1 de l’Arrêté du 9 Aout 2006 est à considérer. La même logique de gestion à terre s’applique dès lors que les sédiments sont sortis des eaux.

Valorisation : Guides et sortie du statut de déchet

Les sédiments de dragage disposent de propriétés pouvant intéresser certaines filières (travaux publics, aménagement du territoire…). Toutefois, ils portent le statut particulier de celui de « déchet ». Cette considération est importante dans la mesure où l’utilisation de ces matériaux est encadrée réglementairement.

Sur le plan opérationnel, des guides sont en cours de rédaction afin de poser le cadre dans lequel les possibilités de valorisation s’exercent (valorisation en technique routière, en construction, en travaux maritimes). Ces guides propres à la valorisation des sédiments déclinent du guide d’Acceptabilité de matériaux alternatifs en techniques routières – Évaluation environnementale

. Les obligations en termes de qualité à respecter y sont fixées afin de pouvoir mettre en œuvre une sortie du statut de déchet dans le cadre de l‘Arrêté du 4 juin 2021 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l’objet d’une préparation en vue d’une utilisation en génie civil ou en aménagement.

En attendant la publication de ces guides, des approches au cas par cas sont effectuées en lien avec la DREAL pour les projets de valorisation.

La sortie du statut de déchet est passée en avril 2021 des installations classées pour la protection de l’environnement à tout producteurs ou détenteurs de déchet. Ces derniers peuvent maintenant demander à opérer une sortie du statut de déchet en vue d’opérations de valorisation. Pour les sédiments, un contrôle par un tiers accrédité est à prévoir (certifié ISO 14001 ou Emas).

Traçabilité

Le décret du 25 Mars 2021 relatif à la traçabilité des déchets, des terres excavées et des sédiments impose à toute personne produisant, traitant, valorisant des sédiments ou exploitant une installation de transit ou de regroupement de renseigner un registre numérique. Une base de données électronique sera mise en place par les pouvoirs publics et permettra de faciliter les échanges d’information entre l’émetteur du bordereau et les services de l’Etat. Les opérations concernant des volumes supérieures à 500 m³ de sédiments sont tenues d’être renseignées.

Les prochaines étapes de la réglementation relative aux sédiments

On l’aura compris, la réglementation sur le sujet tend vers une facilitation de la valorisation des sédiments de dragage, mais de prochaines étapes importantes méritent de garder l’attention :

– Les nouveaux seuils à paraitre dans le cadre de la Loi pour l’Economie Bleue permettront aux ports d’estimer l’ampleur du volume de sédiments à gérer à terre.

– Les guides spécifiques à certaines filières, produits par le Cerema, permettront de cadrer la sortie du statut de déchet, mais risquent encore de ne pas offrir de solution à la totalité du gisement.

Vous souhaitez aller plus loin sur le sujet de la réglementation et souhaitez échanger avec des experts ? Les filières de valorisation vous intéresse ? Participez à la session de formation « Sédimatériaux », qui fait un focus sur ce volet réglementaire.

Retrouvez les textes réglementaires et guides de référence